Encart « Sur le chemin du passeur » Prologue « Sajama »

« Prologue »

Retrouvez ici les encarts « Sur le chemin du passeur » présents dans l’ouvrage.

Nous vous invitons aussi, à consulter les notes bibliographiques situées sous le texte.

Notre monde est secoué par une humanité qui a voulu prendre le pouvoir. Six des neuf limites planétaires (note 001) sont désormais dépassées et les humains continuent de vouloir dominer la nature, d’en être maîtres et possesseurs.

Le livre commence par une légende andine et met en scène le plus haut sommet de Bolivie, le Sajama (6405 m), qui après un conflit avec d’autres sommets s’est vu chassé par Dieu aux confins de l’Altiplano. Olivier ERARD a étudié la calotte glaciaire du sommet qui nous apprend ce qu’était le climat il y a 13 000 ans.

Sajama est un sage banni.
À l’image de Sajama, l’humanité est pleine de richesses, mais sa soif de pouvoir va l’emmener à l’autre bout du monde. Sajama se fait balayer par le divin, le destin. Il n’est plus dans le monde.

L’histoire de Sajama peut se comprendre aussi du point de vue de la transition ; celui qui se met à la marge du monde en maîtrise les règles et peut le transformer (note 002). Il convient pour cela d’être connecté au monde, comme Sajama fait désormais partie des grands de l’Altiplano. Sajama a toutefois compris qu’il n’aurait pas le pouvoir et que cela est finalement sa chance ; agir sur le monde sans prendre le pouvoir.

En cela, Sajama est un passeur. Il a devant lui l’ensemble de la cosmogonie andine et peut agir sans crainte puisqu’il a été banni et ne représente plus de menace pour les autres.

Dans leur ouvrage L’acteur et le système paru en 1977 (note 003), les sociologues Michel Crozier et Erhard Friedberg identifient la place du marginal sécant4 comme une fonction pivot de la transformation d’une organisation face aux incertitudes. Le marginal sécant continue d’agir sur son système tout en faisant pénétrer en son sein les incertitudes du contexte et de l’environnement, sans pour autant imposer une nouvelle direction.

Compte tenu de l’état du monde, les redirections à opérer sont profondes, ce qui fait réagir les systèmes de manière virulente et parfois violente. Le marginal sécant est alors un passeur entre un monde connu, établi, mais en rupture avec la nature, et un nouveau monde inconnu, à construire en symbiose avec la nature.

Ce que nous apprend l’histoire de Sajama, c’est que le passeur est en perpétuel mouvement même s’il paraît immobile pour le système. Le passeur est tout le temps prêt à bouger et à provoquer le mouvement. Il est en permanence dans l’inconfort.

Tel Sysiphe poussant son rocher, le passeur trouve sa joie dans ce mouvement permanent. S’il n’aime pas le mouvement, il lui sera difficile d’accomplir sa mission. Il lui faudra accepter d’emprunter des chemins divers qui le conduiront bien des fois dans des impasses.

Il lui faudra se dédoubler sur des chemins parallèles, risquant de ne plus savoir se situer et de se perdre.

Le passeur cultivera une sorte de boussole intérieure, quelque chose de plus grand que lui, qui le meut malgré lui dans un mouvement duquel il ne pourra plus se défaire, car pour lui cela deviendra vital. Pour le passeur, le mouvement c’est la vie !

Illustration - Marion Monnier

Texte d’Olivier Erard avec la contribution de Stéphane Durand, extrait de l’ouvrage « Le passeur » aux éditions Inverse///

Notes attachées au texte. Rédigées par Stéphane Durand.

Note n°001 – Les 9 limites planétaires

Note n°001 – Les 9 limites planétaires Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 4, 2024 No Comments Stéphane Durand Crédit – Stockholm Resilience Center Les 9 limites planétaires est un concept développé par le Stockholm Resilience Center (voir lien ci-dessous). Ces 9 variables modélisent des valeurs seuil au-delà desquelles les effets des déséquilibres qui en résultent peuvent avoir des effets délétères sur tout ou partie des espèces du règne animal et végétal. Le dépassement de certaines valeurs induit une augmentation significative de l’incertitude et des réactions en chaîne potentielles. Le modèle est présenté de manière holistique (les variables sont identifiées et suivies indépendamment) cependant il existe des liens forts entre toutes ces variables ce qui en fait une représentation systémique. Comme tous les modèles, celui qui sert à définir le concept des 9 limites planétaires est faux, même s’il repose sur des connaissances scientifiques solides éprouvées dans le cadre de démarches de recherches conduites par de très nombreuses équipes sur le plan international depuis plusieurs décennies. Cependant, il est utile pour rendre accessibles, certes de manière incomplète et en partie erronée, les problématiques et enjeux écologiques et les conditions d’habitabilité de notre planète. Le Stockholm Resilience Center et les 9 limites planétaires.

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Note n°002 – La pensée complexe

Note n°002 – La pensée complexe Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 4, 2024 No Comments Stéphane Durand Crédit – Canva La pensée complexe, illustrée en particulier par les travaux d’Edgar Morin et de Jean-Louis Le Moigne en France ainsi que l’approche systémique qui lui est connexe et qui s’est particulièrement développée avec les travaux de l’École Palo Alto (Gregory Bateson, Paul Watzlawick notamment), nous enseigne que pour opérer des changements significatifs dans un système, qu’il soit naturel ou socioéconomique (sociétés humaines), il est nécessaire d’agir dans un ou plusieurs de ses sous-systèmes en intervenant principalement à leur périphérie, dans les marges. Par exemple, si le système considéré dans le cas de l’aventure vécue par Olivier Erard est le Haut-Doubs et que l’objet d’étude est l’économie des loisirs et du tourisme, le travail se fait au sein de sous-systèmes de différentes natures. Déjà dans le sous-système « station de Metabief » et ses propres sous-systèmes (dont le domaine skiable et le groupe des métiers) puis dans d’autres sous-systèmes tels que la « communauté des acteurs du nordique » Cela implique d’opérer des changements dans le cadre de travail. Ce cadre construit par une autorité supérieure (contrainte) est constitué des finalités poursuivies (ce pour quoi le système existe), des ressources mises à disposition (notamment les compétences des acteurs) et des règles. Dans les « grands » systèmes, il est difficile de changer les règles en raison de l’inertie induite par la taille du système. Dans les « petits » systèmes, si la contrainte imposée par le haut entrave la capacité d’agir, cette dernière est facilitée par l’agilité dont disposent ces sous-systèmes. Pour le passeur, un enjeu majeur est d’identifier les sous-systèmes dans lesquels des actions efficaces sont réalisables et potentiellement efficaces en raison de capacités d’action immédiates rendues possibles par une taille modérée du périmètre dans lequel il travaille. Il cherche aussi à dégager des marges de manœuvre dans le changement du cadre de travail et en particulier des règles qui le régissent. Agir à la périphérie, dans le cadre de la démarche menée dans le Haut-Doubs, cela s’est matérialisé de multiple manière. Par exemple, en construisant et entretenant des alliances avec des acteurs du Département ou de l’Etat, en Suisse voisine, dans le cadre de projets européens ou plus spécifiquement, en construisant des ponts entre le référentiel structurant pour le territoire (SCOT, PCAET…) et la démarche ou en orientant l’allocation de ressources financières vers des sujets à fort effet de levier systémique. Les expériences réussies dans un sous-système donnent lieu à l’ancrage de nouveaux repères et pratiques qui interagissent avec leur environnement dans une dynamique d’influence mutuelle et donc d’essaimage. Le sous-système développe en effet une nouvelle compétence dont les ingrédients deviennent progressivement attractifs et désirables pour l’externe.

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Note n°003 – L’acteur et le système

Note n°003 – L’acteur et le système Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 4, 2024 No Comments Stéphane Durand L’acteur et le système est un ouvrage qui fait référence sur le plan international et qui transcende la sociologie pour servir de point d’ancrage à de nombreux travaux, notamment dans d’autres disciplines des sciences humaines et sociales ainsi que les sciences de gestion. Ouvrage de Michel Crozier et de Erhard Friedberg publié en 1971 aux éditions Points Essais. « L’acteur et le Système, Les contraintes de l’action collective » – Michel Crozier et Erhard Friedberg aux éditions Points Essais.

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