Encart « Sur le chemin du passeur » – « 6 des 9 limites planétaires sont dépassées »
« Je me souviens »

Retrouvez ici les encarts « Sur le chemin du passeur » présents dans l’ouvrage.
Nous vous invitons aussi, à consulter les notes bibliographiques situées sous le texte.
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- septembre 16, 2024
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- Olivier Erard
Six des neuf limites planétaires (note 001) sont dépassées
La plus visible et la plus médiatisée est celle du climat. Elle est tellement mise en avant qu’elle est devenue aux yeux de la population, la seule perceptible et donc la seule pour laquelle il conviendrait de se mobiliser (note 005). Alors le monde dominant, celui du capitalisme, s’écharpe pour discuter du dixième de degré admissible pour sauver nos économies extractivistes, sans se soucier des dégâts sur la biosphère ou la ressource en eau. Désormais, l’homme moderne peut se réjouir, comme le dit Aurélien Barau, de « détruire l’Amazonie en bulldozer électrique ».
La tâche des passeurs semble incommensurable.
Mais finalement, si le climat est le moyen d’enclencher la transformation indispensable de nos systèmes, alors il faut y aller ! (note 006)
Y aller en gardant à l’esprit que ce n’est qu’un point d’entrée dans le vaste univers de la grande transition. Le passeur doit garder à l’esprit l’ensemble des enjeux et maintenir une vision holistique sur les systèmes dans lesquels il tente de progresser.
Concernant le climat, il était jusqu’alors établi que le pas de temps pertinent pour en observer les changements était de 30 ans. Les observations de ces cinquante dernières années démontrent que désormais les modifications se voient à hauteur d’homme : les boucles de rétroaction (note 007) sont en marche et les changements s’accélèrent. La glaciologue Heïdi Sevestre parle de « piliers climatiques » (note 008) en train de s’effondrer, et cela, à vue d’homme. C’est vertigineux pour les sciences de la Terre qui se basent sur les échelles géologiques. Certains utilisent le terme d’Anthropocène pour qualifier la couche géologique que l’humain est en train de créer sur cette planète.
Nous vivons un temps géologique inédit dont on ne perçoit pas l’allure. Nos repères changent si rapidement ! Telle la grenouille qui, plongée dans une casserole d’eau froide, est engourdie par la douce chaleur de l’eau augmentant progressivement,notre cerveau humain ne perçoit pas les changements. Il s’accommode plutôt des modifications et adopte les nouveaux repères comme autant de nouvelles normes. -10 °C devient la température limite du froid alors qu’elle était de -30 °C il y a 20 ans, 1 m de neige devient la norme d’enneigement alors que la moyenne était de 2,5 m pendant les 20 dernières années.
Pour le climat, on a changé d’échelle, mais sans s’en apercevoir. Certains nomment ce phénomène « amnésie environnementale ».
Le passeur doit lutter contre cette amnésie (note 009) et avoir avec lui de bons repères pour contrer les pertes de mémoire des parties prenantes.
Le passeur doit garder un regard lucide sur les changements à l’œuvre et ceux à opérer. Il ne peut se contenter d’une vision partielle des phénomènes, il doit avoir une vision holistique et historique : ces échelles d’espace et de temps sont perpétuellement réduites par le système à transformer.
Le passeur aide les parties prenantes à regarder autrement la réalité (note 010).

Texte d’Olivier Erard avec la contribution de Stéphane Durand, extrait de l’ouvrage « Le passeur » aux éditions Inverse///
Notes attachées au texte. Rédigées par Stéphane Durand.
Note n°001 – Les 9 limites planétaires
Note n°001 – Les 9 limites planétaires Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 4, 2024 No Comments Stéphane Durand Crédit – Stockholm Resilience Center Les 9 limites planétaires est un concept développé par le Stockholm Resilience Center (voir lien ci-dessous). Ces 9 variables modélisent des valeurs seuil au-delà desquelles les effets des déséquilibres qui en résultent peuvent avoir des effets délétères sur tout ou partie des espèces du règne animal et végétal. Le dépassement de certaines valeurs induit une augmentation significative de l’incertitude et des réactions en chaîne potentielles. Le modèle est présenté de manière holistique (les variables sont identifiées et suivies indépendamment) cependant il existe des liens forts entre toutes ces variables ce qui en fait une représentation systémique. Comme tous les modèles, celui qui sert à définir le concept des 9 limites planétaires est faux, même s’il repose sur des connaissances scientifiques solides éprouvées dans le cadre de démarches de recherches conduites par de très nombreuses équipes sur le plan international depuis plusieurs décennies. Cependant, il est utile pour rendre accessibles, certes de manière incomplète et en partie erronée, les problématiques et enjeux écologiques et les conditions d’habitabilité de notre planète. Le Stockholm Resilience Center et les 9 limites planétaires.
Note n°005 – Le tropisme du changement climatique
Note n°005 – Le tropisme du changement climatique Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 16, 2024 No Comments Stéphane Durand Nos représentations mentales sont structurées par la pensée en silo (tendance à circonscrire exclusivement la réflexion à un champ de connaissance strictement délimité) et la pensée binaire (mise en opposition systématique de notions présupposées contraires) décrites notamment dans les travaux d’Edgard Morin sur la pensée complexe. Ainsi les liens qui existent entre différents champs d’études sont rarement considérés ni même perçus. Concernant le changement climatique, il existe même un tropisme étroit qui mobilise particulièrement : la décarbonation de la production énergétique avec une segmentation ciblée sur les énergies renouvelables (solaire photovoltaïque, hydroélectricité et éolien) et le nucléaire. La pensée en silo et la pensée binaire segmentent la réalité en petits bouts : si on s’occupe du changement climatique, on ne s’occupe pas des inégalités sociales ou de l’effondrement du vivant alors que tous ces sujets sont liés. Malgré les efforts de pluridisciplinarité du GIEC (6ème rapport du groupe II du GIEC), nos sociétés restent focalisées sur des sujets en particulier sans les appréhender de manière systémique. Ce tropisme, se ressent à tous les niveaux de la société et, en premier lieux, dans la construction des budgets publics et les critères de financement de l’innovation. 6ème rapport du groupe II du GIEC
Note n°006 – Tirer un fil…
Note n°006 – Tirer un fil… Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 16, 2024 No Comments Stéphane Durand Le passeur a besoin de tirer le fil de la transformation par des sujets dont la société est en mesure de s’emparer. Peu importe le tropisme, puisque les multiples dimensions sont liées ; le passeur conscient des dynamiques systémiques parviendra à éclairer le chemin. Le changement climatique pour les uns, la ressource en eau ou l’économie du tourisme pour d’autres. Peu importe, le passeur doit identifier ce qui est fortement mobilisateur dans un écosystème donné pour aider les acteurs à faire avancer des sujets qui leur sont de première importance en les amenant à les observer avec différentes lunettes (holistique) et à identifier les synergies en présence (systémique). Nos sociétés sont des sociétés de « techniciens » et de « spécialistes » où les sujets ne sont pas appréhendés avec une vision holistique, considérée comme insuffisamment précise et certaine. C’est pourquoi, pour tirer le fil et ouvrir le champ de vision, le passeur doit trouver les éléments de langage pour communiquer avec les parties prenantes et les mettre en mouvement.
Note n°007 – Boucle de rétroaction
Note n°007 – Boucle de rétroaction Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 16, 2024 No Comments Stéphane Durand En analyse systémique, une boucle de rétroaction désigne un phénomène d’influence mutuelle entre deux ou plusieurs variables, soit pour maintenir un équilibre (boucle de rétroaction négative), soit pour en sortir (boucle de rétroaction positive). Notre environnement naturel, nos infrastructures, nos sociétés humaines sont régies par de multiples boucles de rétroaction de différentes natures. Dans un système, il existe plusieurs types de variables. Des variables qui sont plutôt à l’origine des changements, d’autres qui sont des relais ou encore d’autres qui sont une forme d’indicateur, dont la valeur est révélatrice de ce qui se passe dans le système. Dans nos sociétés humaines, les lois, les normes et autres règlements, sont des variables dont la capacité d’influence est extrêmement élevée. Elles sont parties constituantes du « cadre ». Ne pas vouloir changer les règles, c’est décider de maintenir l’état d’équilibre d’une situation où, autrement dit, son homéostasie. Mettre en œuvre une nouvelle solution en espérant qu’elle puisse résoudre un problème sans intervenir au niveau des règles, c’est faire un pari perdant. « Albert Einstein disait à ce propos que « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent« , ou encore « nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avons utilisée lorsque nous les avons créés« . Un autre point important à considérer dans l’analyse systémique est la notion de temporisation. En effet, une action sur une variable peut avoir un effet immédiat ou retardé. C’est l’inertie du système.
Note n°008 – Piliers climatiques
Note n°008 – Piliers climatiques Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 16, 2024 No Comments Stéphane Durand Fig. 19 : Facteurs humains de l’évolution du climat, effets du changement climatique et réponses apportées (Giec, 2007) En référence au concept des trois piliers climatiques né dans la dynamique de l’adoption en 1988 de la résolution des Nations Unies : « Protection du climat mondial pour les générations présentes et futures ». Ce concept, matérialisé par un schéma, met en évidence trois piliers pour agir sur la problématique de changement climatique. Le premier pilier est celui de l’atténuation des causes qui contribuent au changement climatique. Le second est celui de l’adaptation aux effets du changement climatique. Le troisième est celui de la « corégulation et du copilotage » que l’on pourrait nommer, celui de la « gouvernance partagée. « Réaliser la Terre » aux éditions de la Sorbonne – Chapitre 2. Les trois piliers de l’action climatique
Note n°009 – Amnésie générationnelle
Note n°009 – Amnésie générationnelle Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 16, 2024 No Comments Stéphane Durand Appelée aussi, dans le contexte de l’écologie, amnésie environnementale, désigne une tendance inconsciente de prendre comme référence ce que nous avons connu dans notre jeune âge alors que ces données changent avec les générations. Le référentiel commun évolue sans pour autant que nous en ayons conscience. Ainsi, nous produisons des analyses et prenons des décisions en invoquant « le bon sens », alors que notre représentation de la réalité est biaisée.