Note n°100 – Niveaux logiques

Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments !

Il est ici fait référence aux niveaux logiques issus des travaux de l’Ecole Palo-Alto et plus particulièrement des travaux de Gregory Bateson.

À l’instar des poupées russes, ce référentiel propose de classer les éléments de la réalité dans différentes boîtes imbriquées les unes dans les autres.

Tout en bas, le niveau logique des contenus, puis des relations, puis des processus (méthodes) puis du cadre. Le cadre conditionnant les processus à mettre en œuvre qui forgent les relations qui structurent à leur tour ce qui est fait, le contenu. Le cadre qui comprend les objectifs, les contraintes, les ressources est lui-même une conclusion de données d’entrée du niveau logique « contexte ». Contexte influencé par l’environnement, au sens large.

Ainsi, si le passeur identifie un problème relationnel entre deux acteurs, il sait qu’il doit agir sur un niveau logique supérieur. Il analyse les processus pour apprécier si ces derniers sont en cause et agit à ce niveau logique si c’est le cas.

Si l’action n’est pas convaincante, il remonte au niveau du cadre pour identifier ce qui, dans les objectifs confiés, les contraintes imposées et les ressources allouées, pourrait être la cause de ce conflit. Beaucoup de conflits relationnels sont à attribuer au cadre. Imprécis, ambigu, incompris, le cadre est source de conflits. Ainsi, les tensions relationnelles et émotionnelles révèlent une forme de négociation, consciente ou inconsciente, des éléments du cadre.

En approche systémique, ce phénomène est appelé « bataille sur le cadre ».

Or, le cadre est convenu dans un contexte donné. Si des éléments du contexte changent, le cadre est souvent obsolète. Continuer à travailler avec le même cadre alors que les hypothèses de travail ont changé crée des injonctions paradoxales, c’est-à-dire des objectifs contradictoires, parfois antagonistes, qui s’imposent aux acteurs et qui sont source de stress et de conflit.

Lorsque les changements dans le contexte et l’environnement sont conséquents, l’écart entre le cadre prescrit et les besoins du réel augmente à un point tel qu’on peut parler de rupture de paradigme.

Ce phénomène a été conceptualisé par Thomas Kuhn sous le nom de « pardigm swift ». Il décrit un moment particulier où un paradigme dominant s’effondre et un autre émerge. Ce phénomène apparaît nécessairement dans les projets de transformation qui touchent aux fondations culturelles dont les paradigmes sont un des ingrédients aux côtés des valeurs, des croyances et des récits notamment.

A fortiori dans les projets de transformation sociétale qui peuvent aller jusqu’à questionner les fondations de notre mythologie. Il existe d’autres référentiels des niveaux logiques en approche systémique.

Nous pouvons par exemple identifier celui de l’approche logicohiérarchique développée par Éric Plottu. Il est particulièrement pertinent pour cartographier la nature des enjeux dans les relations entre parties prenantes. Le chercheur en identifie trois. Ces enjeux entrent en conflit avec des enjeux de même niveau logique ou de niveaux logiques différents portés par d’autres parties prenantes sur le territoire. Il existe des enjeux de type « rentabilité ». Ces derniers sont assez faciles à « négocier ». Des enjeux de type « stratégiques ». Les divergences stratégiques sont plus délicates à résoudre, car cela nécessite que les parties prenantes modifient leur stratégie respective. Enfin des enjeux de type « identitaire ». Les conflits identitaires sont très difficiles à résoudre. Ils questionnent les croyances, les valeurs, l’attachement au territoire, la morale, la raison d’être et d’autres aspects qui sont des constitutifs « organiques » de la partie prenante.

Pour une démarche de transformation telle que celle mise en œuvre dans le Haut Doubs, les trois niveaux d’enjeux sont rencontrés.

Conscient de ces niveaux logiques, le passeur adapte sa stratégie et évite de s’attaquer frontalement aux enjeux identitaires même s’il sait qu’il doit intervenir aussi à ce niveau pour déclencher des changements profonds.

Pour aller plus loin sur le sujet de l'approche logico-hiérarchique développée par Béatrice et Eric Plottu dans l'article "Logiques territoriales et aménagement durable du territoire : quelles règles de coordination et de décision ? - Géographique économie société 11 (2009) 283-299"

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