Encart « Sur le chemin du passeur » – « Le passeur, ce chasseur de biais de confirmation ! »
« Réchauffement climatique ? »

Retrouvez ici les encarts « Sur le chemin du passeur » présents dans l’ouvrage.
Nous vous invitons aussi, à consulter les notes bibliographiques situées sous le texte.
- A la une, Encarts "Sur le chemin du passeur"
- décembre 4, 2024
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- Olivier Erard
Quel est l’événement qui permet d’enclencher la transformation ?
Il s’agit du moment où les données sur les incertitudes prennent corps au cœur du système, quand le passeur a réussi à faire naître auprès des acteurs du système l’acceptation des enjeux.
Ce processus se met en place en respectant plusieurs précautions.
En effet, trop souvent, les acteurs extérieurs au système assènent des « vérités » fondées sur des données extérieures, non partagées avec les acteurs en interne.
Le système forme alors un bouclier de protection, tout comme le font les individus dans le système.
À l’échelle collective, le système défend sa finalité et cherche à maintenir son homéostasie (note n°056). Le leader mène cette défense, car c’est la mission que lui confie le collectif.
Sur le plan individuel, cela met en place le biais (note n°057) de confirmation.
Face à des arguments contraires à ses croyances, l’individu va sélectionner les éléments qui lui permettent de renforcer ses croyances. Ainsi, face à des vérités étrangères à son mode de pensée, l’individu esquive et ignore les informations ou il recherche toute autre information qui va le rassurer.
Heureusement, le cerveau humain est plastique et peut changer ses connexions. Cela demande de l’habileté, de la patience et de la pédagogie.
On voit ici l’intérêt pour le passeur de savoir se fixer des objectifs pédagogiques et surtout de ne pas livrer les éléments de diagnostic en bloc et sans les avoir partagés et confrontés au préalable avec les acteurs du système.
Le passeur veille donc à valoriser toutes les données que le système produit (note n°058). Ces données peuvent être « froides » (des éléments chiffrés et mesurés) ou « chaudes » (des intuitions, du vécu).
Il est essentiel de disposer d’informations validées par le système pour pouvoir avancer dans la transformation.
Le passeur accepte que ces données soient partielles par rapport à ce qu’il pressent de la trajectoire à suivre. Il prend conscience que les problématiques sont complexes et qu’il est impossible d’aboutir à un diagnostic juste, la seule possibilité est de construire avec le collectif une image de ce qu’est ou serait la réalité.
Le passeur veille donc aux discours simplificateurs que le leader peut être tenté de produire afin de rassurer ses équipes.
Ce genre de procédé peut annihiler toute transformation et faire stagner le système dans une adaptation incrémentielle qui ne répond pas aux enjeux ; l’organisation tombe alors dans des politiques de « verdissement » ou pire de « greenwashing (note n°059) ».
Inversement, si le passeur assène l’ensemble des données comme des vérités toutes faites, le biais de confirmation va figer les postures des acteurs.
Si le passeur veut avoir une chance d’enclencher la transformation, il doit accepter la nuance et le flou pour atteindre un premier déclic de vérité nouvelle.
Le passeur s’appuie sur les acteurs de terrain pour valoriser les données du système ; par sa compétence et sa proximité avec le terrain, il y parvient.
Le passeur doit aussi lutter contre les parties prenantes externes au système qui font pression en faveur du système (c’est le rôle des corporations et des lobbies) ou contre le système (c’est le rôle des opposants et c’est parfois l’attitude des « experts en transition »).
Le passeur est donc en alerte pour contrer tous les discours simplificateurs et les postures hautes et trop généralistes.

Texte d’Olivier Erard avec la contribution de Stéphane Durand, extrait de l’ouvrage « Le passeur » aux éditions Inverse///
Notes attachées au texte. Rédigées par Stéphane Durand.
Note n°056 – Homéostasie
Note n°056 – Homéostasie Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 25, 2024 No Comments Stéphane Durand L’homéostasie est un phénomène qui traduit la capacité d’un système à maintenir une situation d’équilibre malgré des perturbations exogènes ou endogènes. Utilisée initialement dans l’étude des organismes vivants, une illustration de ce phénomène est le fonctionnement des mécanismes de défense immunitaire face à l’agression d’un virus ou d’une bactérie. Par exemple, chez l’humain, la montée de la température vise à combattre une infection. Dans les systèmes socioéconomiques, de multiples mécanismes cherchent à limiter les effets de menaces de diverses natures, dont notamment, toute action qui pourrait forcer le système à changer des composantes clés de son fonctionnement, voire remettre en cause les finalités poursuivies. Ces mécanismes sont conceptualisés sous la forme de « boucles de rétroaction négatives » qui visent à neutraliser les effets de changements internes ou externes au système (Voir note n° 007 « Boucle de rétroaction »).
Note n°057 – Biais cognitifs et perceptions déformées de la réalité
Note n°057 – Biais cognitifs et perceptions déformées de la réalité Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 25, 2024 No Comments Stéphane Durand Voir référence au codex des biais cognitifs dans la note n° 022. A noter que les biais s’expriment aussi au niveau collectif. Pour aller plus loin, des propos complémentaires et convergents sur le podcast Sismique. Voir liens ci-dessous. Albert Moukheiber sur les biais cognitifs. Olivier Sibony qui aborde la notion de bruit. Thibaud Griessinger sur les raisons de l’inaction écologique que nous pouvons attribuer au fonctionnement de notre cerveau.
Note n°058 – Légitimité des données
Note n°058 – Légitimité des données Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 25, 2024 No Comments Stéphane Durand Même partiellement fausses, les données récoltées par ceux qui les exploitent sont de fait plus légitimes que des données, plus « justes » produites par des experts non connectés au tissu social du territoire. Une stratégie gagnante, issue du monde du compliqué, serait de confier la récolte et l’analyse des données à un expert puis que cet expert porte à connaissance ses conclusions auprès du commanditaire qui prendrait ses décisions, moins éclairé par sa compréhension technique du sujet que par la confiance qu’il accorde à l’expert recruté. Plus le niveau d’enjeux monte, plus le processus de sélection de l’expert est outillé et plus certains décideurs acceptent de s’immerger dans l’analyse pour tenter de la comprendre et vérifier, non pas la pertinence des conclusions, mais la qualité de la démarche qui a permis à l’expert de tirer ces conclusions. Dans le traitement des problématiques complexes, la tentation est grande de répliquer cette façon de faire tant le niveau de stress est corrélé au niveau d’incertitude qui conduit à vouloir faire toujours plus d’études avant de prendre des décisions. Aussi, la croyance répandue est que mobiliser de nombreuses parties prenantes réputées individuellement incompétentes serait une source de gaspillage et que l’efficience s’obtiendrait en externalisant ce travail de récolte et d’analyse et en livrant des conclusions, voire des solutions, toutes faites. L’expérience montre que cela ne se passe pas comme dans nos rêves. Pour embarquer un collectif et faire en sorte que des décisions soient suivies d’actions efficaces, il est de loin préférable de faire émerger les données et les analyses des acteurs du terrain sans oublier d’intégrer les décideurs dans ce travail laborieux. Sans cela, il n’y a pas d’appropriation possible en raison du niveau d’enjeu que revêtent les décisions d’une part et, d’autre part, de la nécessité, pour ceux qui décident et qui font, de comprendre en quoi la situation actuelle doit évoluer et pour quelles raisons, les solutions qui émergent sont celles à mettre en œuvre. Un article de Philippe Vallat sur le « bon usage des experts » permet d’éclairer ces propos. Article « Du bon usage des expert.e.s de Philippe Vallat.
Note n°059 – Greenwashing
Note n°059 – Greenwashing Retrouvez ici la note et les références bibliographiques présentées dans le livre ainsi que d’éventuels compléments ! Notes et bibliographie septembre 25, 2024 No Comments Stéphane Durand Démarche marketing qui consiste à communiquer auprès des parties prenantes en utilisant l’argument écologique de manière trompeuse pour améliorer son image et repousser la prise de décisions engageantes.